Les pivoines

Publié le 16 Mai 2020

 

Les Pivoines
Je me suis brûlé moi aussi

Au feu humide des pivoines

Déchiré par surabondance de grâce

Avec leur cœur en crue

Cette explosion de soi(e) trop rapide

Pour qu’on ait le temps de renouer

En bulbe l’écume du sang perdu

 

 

Je sais ce qu’en elles la tendresse

Atteint comme paroxysme

Ce nid tissé de cris mouillés

Où nos larmes coulent dans la rosée

A la façon dont elles mêlent

Pour leur parfum le sucre et le poivre

 

 

Peut-on héler plus suavement

Qu’avec ces lèvres qui s’effeuillent

Au fil des mots qu’elles nomment

Je reviens très loin pour retrouver

Dans l’odeur flottée par la brise

L’odeur indicible des vierges

Qui puisaient dans des corbeilles en osier

Les paupières rougies du ciel

 

 

 

 

J’ai chanté moi aussi leurs langues de Pentecôte

Ce grand babil velours et fruits

Comme un arbuste à merles rouges

Un buisson ardent de tendresse inouïe

Ebouriffé avec elles de joie

Et ivre du surcroît sans pareil

D’être là encore un printemps de plus

Simple sujet de leur royaume fragile

Qui émiette son pain pourpre aux cygnes d’avril

 

 

 

En elles « vermeil » rimait toujours avec « merveille »

C’était à la fois des artichauts de braises douces

Et des gorges cramoisies par le feu de l’amour

Blotties les unes contre les autres

Comme une nichée d’oisillons jouant des coudes

Pour mendier la becquée de la lumière

Qu’elles buvaient comme le reste trop vite

En rasades tremblantes lacérant leurs corps

 

Que de bouches à nourrir

De fièvres à épuiser

Avec tout ce rouge à lèvres excessif

Qui en fait des créatures aguicheuses

Vivement peinturlurées mais si belles

Dans leur impatience à s’offrir

Comme si le trop-plein des unes

Débordait dans l’excès des autres

Pour une incandescence commune

 

 

 

J’aime moi aussi leur démesure éclatante

L’éventail des rouges qu’elles déchirent

A vouloir l’ouvrir trop grand  comme un

Accordéon exagérément plaintif

Leur exubérance d’écolières espiègles

Qui font les saisons buissonnières

Hors le printemps auquel elles restent

A jamais soumises comme à un amant

Qui connaît seul le secret de leur calice

 

 

A la fois vierges et filles de joie donc

Jeunes filles qui rougissent aux murmures

Du vent  comme au message le plus impudique

Gorgées de leur propre désir autant

Que de celui de la lumière qui les engrosse

En vue de naissances toujours interrompues

Et toujours de nouveau promises

Pigeons gonflés de sang qui se pavanent

Et se dispersent au souffle qui approche

Comme un lac cassé au redoux

Dont les tessons flottent

Dans le miroir du ciel mauve.

 

 

A la fin comme si la grêle les avait gaulées

Elles se couvrent d’hématomes

Au-delà du rouge le sombre du sang caillé

Non pas la rouille qui corrode d’autres

Les lilas par exemple à la pourriture noble

Mais la robe d’ecchymoses

Son pourpre de mort si loin soudain

Du vermillon du rouge à lèvres et

De l’écarlate du plaisir à son comble

Une couleur qui serait de deuil exclusif

Si elle ne recelait pas déjà la cyanose

D’un renaître têtu dont le premier cri

Est d’un irrésistible velours mouillé

 

 

                      Albert Strickler

 

Les pivoines
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Rédigé par Anda

Publié dans #Albert Strickler, #poésie, #pivoines

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G
Merci pour ce beau poème et ces belles pivoines
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G
Un poème à lire et relire, à savourer
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E
déchiquetées , échevelées, parfumées, un peu rétro, les tiennes sont superbes, de leurs couleurs subtiles
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J
Quel merveilleux poème pour accompagner tes magnifiques photos de pivoines (une de mes fleurs préférées). Elles sont toutes superbes ! Je suis en admiration
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P
Avec leur coeur d'or<br /> et leurs joues rosies de tendresse<br /> elles s'offrent à nous<br /> <br /> En toute simplicité<br /> en toute couleur<br /> elles nous charment<br /> <br /> Ne nous demandant <br /> rien d'autre<br /> que d'ouvrir notre coeur
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C
Qui ne connait et n'aime pas les pivoines ? En revaniche, qui connait ce poème qui accompagne tes superbes photos ?
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